11 septembre: 10 ans après, émotion, conséquences et censure pour l’industrie musicale

Comme beaucoup, je me souviens encore exactement où j’étais le 11 septembre 2001. Je me souviens même encore par quel site j’ai appris ce qu’il se passait. Site qui a ensuite planté toute la journée sous l’afflux de connexion. Mon souvenir le plus marquant reste ces images de gens qui se jetaient par les fenêtres…Dans le magnifique documentaire des frères Naudet, qui se sont retrouvés au coeur des tours alors qu’ils filmaient la vie de caserne de pompiers newyorkaise, on pouvait entendre le bruit des corps qui s’écrasaient sur le sol.

J’avais été au World Trade Center quelques mois avant et je m’étais collée complétement à la vitre du restau du tout dernier étage, le “Windows on the world“. On était si haut qu’on ne pouvait même pas apercevoir le sol. …J’ai souvent tenté d’imaginer ce qu’il pouvait te passer par la tête quand tu te lançais dans le vide, en sachant très bien que tu vas t’écraser plus bas, des dizaines de secondes plus tard à pleine vitesse….

Le 11 septembre a transformé plein de choses. Dix ans après les attentats, on en finit plus de payer le prix des conséquences de ces attaques. Prix humain, moral, économique, politique, libertés individuelles…Et la musique n’a pas été épargnée.

Selon l’Institute for the Analysis of Global Security, à court terme, le seul coût de l’attentat contre les tours s’est élevé à environ 100 milliards de dollars. Le coût de la reconstruction sur les lieux du World Trade Center est estimé entre 3 et 4,5 milliards de dollars, et la réparation des dégâts infligés au bâtiment du Pentagone a coûté 1 milliard. Et pour les Etats-Unis, le coût financier de la riposte aux attentats a été beaucoup élevé que celui des attaques elles-mêmes.

L’institut de recherches sur les relations internationales de la Brown University situe le coût des guerres en Irak et Afghanistan entre 3 000 et 4 000 milliards de dollars pour l’Etat fédéral. Deux économistes Linda Bilmes et Joseph Stiglitz ont même affirmé que la panique financière de 2008 suivant la crise des crédits immobiliers à risque américains a été due en partie au moins, à la guerre.

Et dans la musique? Il y a eu commémoration, mobilisation bien sûr, mais censure aussi…

Pour vous planter le décor, dans un article du Digital Music News, Paul Resnikoff nous dresse un bilan de l’état de l’industrie musicale le 11 septembre 2001:

Il y avait encore 5 majors: Warner Music Group, EMI, Sony Music Entertainment, Bertelsmann Music Group (BMG), et Universal Music Group. Les CD représentaient 94, 5% des ventes de toute la musique enregistrée. Les K7 étaient encore là et comptaient pour 2,5% des ventes de la musique. Les LP 0,2% et les téléchargements d’albums quasi 0….

Les labels allaient clôturer sur leur 3e meilleure année de ventes de tous les tempsNapster, fermé en Juillet, allait conclure avec les majors le reglement du litige les opposant, et le tout en millions de dollars.

Kazaa avait 6 mois… L’ iPod était à deux mois d’être lancé, l’iTunes Music Store à 20 mois…Justin Bieber avait 7 ans, Justin Timberlake 20 ans et Daniel Ek 18 ans.

L’album le plus vendu le 11 septembre était l’album éponyme d’ Aaliyah, décédée le 25 aout 2001 et le titre le plus diffusé en radio était “I’m Real,” de Jennifer LopezJanet Jackson, Sade, Aerosmith, et Dave Matthews Band dominaient le circuit du live.


Commémoration et mobilisation


Lors du Télethon America le 21 septembre 2001, Bruce Springsteen, U2, Pearl Jam, Stevie Wonder se produisent dans un Tribute To Heroes...Le 20 octobre 2001, de nombreux artistes comme Mick Jagger David Bowie, Jay-Z…se produisent au Madison Square Garden à l’initiative de Paul Mac Cartney.  Bruce Sprinsgteen sort ensuite The Rising, un album construit à la suite du 11 septembre…


La liste noire

Juste après l’attentat, les réseaux américains décident d’une liste noire de 150 titres à ne plus diffuser à l’antenne. Cela va de TOUS les titres de  Rage Against the Machine en passant par le Sabotage des Beastie Boys, Walk like an Egyptian des Bangles, Jump de Van Halen, New York New York de Sinatra ou Black Hole Sun de Soundgarden

Les labels prennent également beaucoup de précaution. RCA Records repousse la sortie américaine du premier album des Strokes Is This It et les Primal Screams retournent enregistrer leur titre Bomb on Pentagon.

Les réactions législatives


Mais au rang des conséquences des attentats du 11 septembre, figurent aussi de nombreuses réactions législatives inspirées par un souci de sécurité.  Mais il a été plus préoccupant d’observer les tentatives de récupération de certains lobbies, dont l’industrie du disque.

Il y a ainsi eu le “USA Act” (“Uniting and Strenghtening America”) et le fameux “PATRIOT Act”, (“Provide Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism”) qui donnent de nouveaux pouvoirs aux autorités publiques dans la lutte contre le terrorisme.

On a ainsi pu parler d’un risque pour la vie privée mais aussi d’une nouvelle arme pour l’industrie du disque.

Ainsi, à la suite de ces adoptions à la suite d’un évenement tragique, la Recording Industry Association of America (RIAA) a voulu obtenir un amendement à une disposition permettant une légalisation des intrusions lorsque celles-ci sont effectuées au nom du droit d’auteur ou de la prévention de la contrefaçon, même en l’absence de mandat. L’amendement, qui n’a rien à voir avec le terrorisme, n’a finalement pas été adopté mais la partie n’a été que remise…

Mais les conséquences, encore vérifiables aujourd’hui, concernent aussi l’obtention de visas pour des artistes étrangers qui voudraient se produire aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. Il est devenu quasi impossible pour des artistes africains, ou dit issus de pays sensibles (là aussi sur liste noire) de voyager, et de se produire à l’étranger. Et là aussi, le mélange n’est pas toujours clair…certaines “guildes” des artistes américains, ont poussé pour ces réglementations continuent à s’appliquer….

Inscrivez-vous à notre newsletter

et recevez les derniers articles du blog tous les lundis!

I agree to have my personal information transfered to MailChimp ( more information )

Nous respectons votre vie privée. Vous pouvez vous désabonner à tout moment.

About Virginie Berger

Virginie Berger est la fondatrice de DBTH (www.dbth.fr), agence spécialisée en stratégie et business développement notamment international pour les industries créatives (musique, TV, ciné, gastronomie), et les startups creative-tech. Elle est aussi l'auteur du livre sur "Musique et stratégies numériques" publié à l'Irma. Sur twitter: @virberg

3 comments

Très intéressante comparaison ! Car face à ces deux événements majeurs et disruptifs, la riposte aura été dans les deux cas bien pire que le mal.

L’industrie du disque a coupé une tête de l’hydre du piratage pour en voir pousser une dizaine, et n’a toujours pas compris, dix ans après, les fondamentaux de la musique numérique, l’énorme opportunité du P2P, ses nouvelles règles de distribution et surtout les nouvelles formes de « consommation » de la musique.

Alors, Google, Apple, Amazon, les prochains majors du disque dans une décennie ? 😉

Rigolo aussi de voir l’évaluation des coûts de réparation du Pentagone. Il a coûté en 1943 dix milliards de dollars de nos jours (selon Wikipédia). 1/10 de sa surface ayant été touchée par l’attentat-suicide, les coûts de la réparation s’élèvent donc à… 1 milliard ! Facile 🙂

Le 11 septembre 2001, si leur label ne les avait pas lâché, Wilco aurait dû sortir son (incroyable) album Yankee Hotel Foxtrot (pochette de l’album ici)

Finalement, après avoir récupéré les droits de l’album, ils le diffuseront en streaming (en entier) une semaine plus tard et l’album sera un succès…

(ça c’est la version courte, mais vous pouvez vous procurer la version longue ici)

Leave a Reply

*