Twitter: le nouvel outil du marketing musical ?

Matthieu Darteguinave, journaliste pour INA Global, mais également musicien et harmoniciste a voulu se pencher sur Twitter et son utilisation pour la musique. Il fait donc un point sur son utilisation actuelle par les labels et artistes et donne quelques pistes d’avenir.

Twitter est un site de microbloging fondé en 2006 par Jack Dorsey, Biz Stone et Evan Williams, qui associe le principe du blog et du réseau social. Sauf qu’au lieu d’avoir des «amis», comme sur Facebook, on a des «followers» qui peuvent répondre aux messages ou les «retweeter», c’est-à-dire les transmettre aux autres. La contrainte – ou peut-être l’avantage ! – c’est que ces messages, appelés «tweet», doivent tenir en 140 caractères maximum.

Si Twitter n’a pas connu le même engouement que Facebook, les artistes y ont trouvé un moyen efficace d’être en contact avec leurs fans.

Dix des messages les plus «retweetés» en 2010 concernent la musique.

De plus, parmi les vingt utilisateurs qui comptent le plus de «followers», onze sont des musiciens. Twitter entretient donc un lien étroit avec la musique actuelle.

Ainsi, depuis près de cinq ans, le site a connu un essor considérable et s’est imposé comme un outil incontournable pour les fans. Suivre un artiste est désormais devenu très facile ! «Twitter a totalement transformé la relation des artistes avec leurs fans» rapporte Ross Hoffman, directeur des ventes chez Twitter, au magazine Billboard. Grâce au «fil d’actualités», les utilisateurs partagent des informations entre-eux sur le principe du bouche à oreille.

Mais Twitter est plus qu’un simple moyen de communication pour les artistes avec leurs fans. Mettre un lien sur une vidéo ou sur un nouveau CD dans un tweet peut rapporter gros ! En effet, les managers ont vite compris que leurs artistes devaient être initiés aux tweets pour booster les ventes.

Afin d’encourager cette tendance, Twitter s’est lancé dans des programmes au service  des distributeurs ou des diffuseurs. Interscope, Hollywood Records, Merge, Amazon et Itunes ont été les premiers à y adhérer. Par exemple, en avril 2010, Twitter a testé un programme intitulé «Promoted Tweet», destiné aux sociétés qui payent pour avoir leurs tweets en première page. C’est ce qu’a fait Interscope Records pour promouvoir les nouveaux hits de Lady Gaga, Maroon 5 et Taylor Momsen. Pour «Born This Way», le dernier tube de Lady Gaga, le tweet promotionnel contenant un lien sur Vevo a été retweeté 823 fois en moins de quatre jours.Pour Twitter, cela correspond à des millions de vues et donc une promotion assurée. C’est sûrement ce qui a aidé Lady Gaga à atteindre les 2,7 millions de vues sur Youtube en moins de 24 heures !

Pour Ross Hoffman, un seul tweet de ce type correspond à 5 à 8 % d’engagement des utilisateurs, contrairement aux bannières publicitaires classiques sur le web qui n’en rapportent que 0,25 %.

Grâce à ces partenariats, Twitter offre la possibilité d’acheter la musique moins chère. Les followers de Merge Records, par exemple, ont eu l’opportunité d’acheter le dernier album d’Arcade Fire, «The Suburbs», 50 % moins cher que la version digitale sur Itunes. Pour Wilson Fuller, responsable du secteur digital chez Merge, «Twitter a aidé à rendre la musique plus démocratique.» L’accès à la musique et à l’univers de l’artiste est grandement facilité. Les followers ont l’impression de faire partie d’un groupe privilégié auquel le musicien s’adresse directement.

Alors comment faire de Twitter un moyen de communication et de promotion efficace ?


Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas nécessaire d’avoir 1 million de followers pour avoir un intérêt à utiliser Twitter. La force du site réside dans sa flexibilité. Selon Ted Leo, un vétéran du Punk qui a reçu le prix du meilleur utilisateur de ces courts messages, il y a plusieurs façons de l’utiliser. Pour lui, ce qui importe c’est l’authenticité. En effet, il ne s’agit pas de transformer son compte en robinet à promotion. D’ailleurs, les artistes qui ne tweetent qu’à propos de leur dernier album ou de leur prochain concert, sont peu suivis.

Venir sur Twitter signifie s’engager dans une grande conversation qui concerne tout le monde et tous les sujets. Mais pour être efficace, les messages ne doivent pas se résumer à du marketing pur et dur. Le jeu est de communiquer avec ses fans : répondre aux messages, raconter les détails de sa vie personnelle et même s’exprimer sur des sujets d’actualité… quitte à se mettre en danger !

Quelques conseils des tweets qui plaisent aux fans :

–  donner des informations sur l’enregistrement en studio (ambiance, créations…)

–  solliciter l’avis des followers sur les pochettes des disques, les nouveaux morceaux…

–  informer les fans sur le déroulement de la tournée en temps réel

–  donner en exclusivité un article de presse qui s’apprête à sortir, de nouvelles photos, un nouveau contrat avec une maison de disque…

Le marketing sur Twitter est donc spécifique. Il s’intègre dans une démarche générale. Il n’y a pas de règles particulières sinon celle d’être naturel. Le but n’est pas d’échafauder une stratégie de ciblage mais simplement de sélectionner les informations qui pourraient intéresser les followers, tout en gardant le ton de la conversation.

C’est ce qui rend Twitter plus attractif que Facebook pour les fans.

Les pages officielles des artistes sur Facebook sont souvent gérées par des équipes de managers et non par les artistes eux-mêmes. David Guetta a même confié lors d’une conférence de presse au Midem 2011 à Cannes, qu’il écrivait lui-même ses messages sur Twitter… mais pas sur Facebook !

Il convient de conserver la proximité et le naturel propre à Twitter. Le musicien John Mayer qui comptait 3 millions de followers conseillait même à son ami Kanye West – nouvel arrivant sur le site – de «ne pas s’en servir comme instrument de marketing». Il semble que la communauté des «twittos» soit attachée à l’authenticité que l’on trouve sur Twitter. Reste à savoir si Jack Dorsey et son équipe conserveront ce modèle qui rend un fier service aux musiciens et à leurs fans.

Cependant, Twitter peut s’avérer cruel! John Mayer a décidé de fermer son compte pour plusieurs raisons. Sur 3 millions de followers, il n’attirait pas que ses fans… et les messages étaient tout simplement insultants et haineux. Ainsi, si Twitter permet de jouir d’une grande liberté, des événements, comme le Midem, qui affichaient les tweets des internautes en direct, ont dû faire contrôler les messages par des modérateurs. De plus, les messages courts et fréquents peuvent noyer l’information voire même la dénaturer. Ainsi, depuis quelques temps, John Mayer a renoué le contact avec ses fans en revenant à une forme plus «classique» de communication… grâce à un blog sur Tumblr !

Comment faire pour partager sa musique sur Twitter ?


Plusieurs outils existent désormais pour partager, diffuser et monétiser sa musique :

–  TweetMySong est un service gratuit et simple. A partir d’un tweet, un player s’ouvre avec la musique que l’on souhaite partager. Le service propose aussi d’évaluer le nombre de clicks et la distribution virale. Il est possible de monétiser le service.

–  Tinysong est un site qui permet de tweeter et de partager directement sa musique.

–  D’autres players, comme imeem, proposent un bouton «Tweet This», pour partager directement la musique que l’on écoute.

Bibliographie
–  Billboard.biz , Billboard’s Twitter 140: Music-Industry Characters You Need To Follow, 18 mars 2011
–  Marketingvox, Twitter Hits Right Notes for Music Industry, 2 juillet 2009
– Mashable, 10 Ways to Share Music on Twitter, de Josh Catone, 29 mai 2009
–  About.com, Music Careers, Use Twitter for Music Promotion, de Heather McDonald
–  New York Times, Twitter? It’s What You Make It, de David Pogue, 11 février 2009
–  Joel Comm, Anthony Robbins, Ken Burge, Twitter Power: How to Dominate Your Market One Tweet at a Time, Wiley Press, 17 février 2009
–  Warren Whitlock, Deborah Micek, Twitter Revolution: How Social Media and Mobile Marketing is Changing the Way We Do Business & Market Online, Xeno Press, 15 octobre 2008

Illustration photo: “We want more”

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About Matthieu Dartiguenave

Matthieu Dartiguenave est titulaire d’une licence de philosophie obtenue à l’université de Paris IV – Sorbonne et est journaliste à l’Ina Global, la revue des industries créatives et des médias, spécialisé en musique. Depuis plus de sept ans, il est à la tête du groupe de musique Clawhammers. Il est également compositeur, chanteur, guitariste et harmoniciste - diplômé du Conservatoire National de Région d’Angers. Depuis 2007, il a enregistré deux albums studio et participé à plus d’une dizaine de festivals nationaux. Il est par ailleurs vice-président de l’association DESCibel - organisation de concerts en Bretagne - et de l’association du groupe de musique Clawhammers.

6 comments

Article très intéressant. Toujours du mal à savoir si Twitter est un phénomène très restreint ou s’il apporte une vraie plus value. L’article donne qqs réponses.
Je ne peux qu’approuver le côté “authentique” de la chose (par rapport à Facebook disons). Et puis Twitter permet aussi de voir quels artistes ont du talent et beaucoup d’humour (car être drole en 140 caractères n’est pas donné à tout le monde). Et dans ce cas là, les deux anciens d’Arab Strap sont mes favoris.

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