Pourquoi je garde mon blog musical ou De l’Autocensure…

Article, manifeste d’amour, profession de foi par Violette R.O.L.L.

Quatre ans déjà.

Après quatre ans d’activisme radiophonique visant à défendre les musiques indépendantes (sur Radio Campus Paris essentiellement) dont mon blog n’était qu’une arrière-cuisine temporaire, privée et inutile, une page se tourne. Car j’étais loin d’imaginer que le blog prendrait le pas sur le micro (ce n’est pas irréversible j’espère).

Il y a quelques mois, j’ai fait le bilan de mes Rigolotes chrOniques futiLes et insoLentes. Vu ses statistiques, « futile » était un terme plus qu’adapté. Je n’étais plus persuadée de l’intérêt de continuer de bafouiller à propos de musiciens qui, certes me tenaient à cœur, mais ne tiraient aucun bénéfice du fait que je parle d’eux.

Je décidais donc d’annoncer la fin de mon support, me considérant comme une pièce interchangeable qui serait remplacée sans problème. Je songeais, en échange, consacrer plus de temps à la radio, lutter pour imposer toujours plus de morceaux de huit minutes d’Etienne Jaumet ou des interviews de Turzi ou Arandel à la place d’un mix en carton de David Guetta ou de la diarrhée verbale de Cali.

C’est exactement l’inverse qui s’est produit : je n’étais qu’un pion sur l’échiquier radiophonique mais mon blog avait une importance que je ne soupçonnais pas.

Dans le domaine musical, à la radio point de salut hors des grandes ondes, mais sur le web les blogueurs jouent un rôle essentiel.

Classements

Lorsqu’on a un blog dédié à la musique, on est immédiatement catégorisé.

– Par l’ensemble des professionnels (vais-je lui envoyer mes disques, est-ce ma cible ? quel relais peut-il jouer ?), par l’ensemble des lecteurs (de quoi il cause ? comment il me parle ? est-ce que ça vaut le coup de revenir ?),

– Par l’ensemble de la société (pour qui il se prend encore lui ?).

Donc il faut un égo surdimensionné, ou/et beaucoup de neurones manquants pour être assez inconscient, ou/et des convictions chevillées au corps pour tenir face à cela. Les 150 mails journaliers (entre les propositions, les relances, les coups de gueules…), les commentaires plus ou moins déplacés (j’ai quelques points Godwin à mon compteur), les remarques de votre concierge qui ne comprend pas pourquoi vous recevez autant de courrier sous plusieurs identités… Même si vous ne publiez pas un billet chaque jour, vous travaillez le sujet d’une manière ou d’une autre.

Un jour (ou plutôt un soir) on m’a présenté comme une « influenceuse ». Que signifiait donc ce barbarisme ?

On laissait sous-entendre que j’avais un poids dans la machine, je faisais partie de la liste de ceux qu’il vaut mieux avoir avec soi plutôt que contre. Comme le fait d’être à telle ou telle place du classement Wikio.

Connerie monumentale.

Mon premier pied de nez a donc été de classer mes interlocuteurs. On classe les disques, les labels, les agences, les blogueurs… pourquoi pas les professionnels du web ? (cf. Le Top des attachés web sur les R.O.L.L.). Ce classement subjectif et stupide l’était au moins autant que tous les autres. Cette « blague » reste à ce jour mon record de fréquentation du blog… et j’ai perdu une cinquantaine de places dans le classement Wikio par la même occasion.

Limites

Lorsqu’on est seul maitre à bord, on fixe seul ses balises. Et donc, voyant le nombre de lecteurs se réduire comme peau de chagrin, je décidais de fermer le blog. J’avais pris cette décision de manière unilatérale et j’avais tort. Je venais de céder au piège facile de l’autocensure.

Le modèle dominant de l’industrie de la musique périclite, la censure s’exerce régulièrement, produire de l’ « indé » relève chaque jour un peu plus de la profession de foi et je ne doute pas que de nombreux cerveaux trouveront des solutions viables à terme pour retrouver un semblant d’équilibre.  Mais le mal le plus répandu ne se combat que très difficilement, la sanction qu’on s’inflige seul.

Que cela soit un artiste qui jette l’éponge parce qu’il n’en peut plus de manger des pâtes, un producteur qui n’arrive plus à hausser suffisamment la voix pour défendre ses projets, un manager qui ne comprend plus pourquoi il se prive de vacances chaque année, tous ont un rapport monétarisé à la musique. De même, un journaliste a un papier à rendre à date fixe quoiqu’il arrive. Et son papier doit être un minimum lu, sinon son magazine ne se vend plus, met la clé sous la porte et le journaliste se retrouve sans emploi. Il va donc choisir un sujet dont le nom évoque quelque chose (souvent en parcourant les blogs d’ailleurs) afin que le client aille au-delà de la couverture glacée et que son emploi soit sauvegardé.

Tous ont une raison d’arrêter qui implique de prendre en compte la variable économique.

Un blogueur ne doit jamais tomber dans ces travers chiffrés.

Sa seule raison d’arrêter ou de continuer, c’est son envie. Si je prends du plaisir à écrire, peut importe que ce soit lu. Je respire en dehors de cela. Car si je ne prends pas la peine d’écrire sur un disque inconnu de tous mais qui me plaît, aucun maillon des médias dédiés à la musique ne le fera. Si je cédais aux sirènes de la rentabilité et de l’optimisation de la fréquentation de mon site, je m’empêcherais de publier des live-reports sur un concert auquel une vingtaine de personnes seulement auront assisté ou des chroniques sur des disques autoproduits pressés à 200 exemplaires. Mais il en va avant tout de la reconnaissance des artistes.

Estime

L’année dernière, nous avons été plusieurs blogueurs à défendre The Limes dans le classement annuel des disques (Top des Blogueurs 2009), il est pourtant inscrit 008/100 sur la pochette cartonnée de l’opus que je possède. De même, Lilly Wood and the Prick est signé chez Cinq 7 et accompagne aujourd‘hui la publicité d’une marque de parfum bien que personne sauf une poignée de blogueurs (en particulier le HibOO) ne leur accordait le moindre crédit il y a deux ans. Les blogueurs ont été là, peu importe le succès de l’opération si ces humains ont eu le sentiment d’être épaulés pour ne pas abandonner.

Avoir un blog est par-dessus tout une histoire d’amour.

Avec ceux qu’on aime (les artistes, les labels indépendants…) mais surtout avec soi-même. Je ne suis que très rarement satisfaite de ce que je publie et, écrivant (aussi) dans un magazine trimestriel, je réserve ce que je juge comme correct aux supports plus importants que mon simple site.

On accuse souvent les blogueurs mode (qui sont souvent des blogueuses) d’être « vendus » aux marques. En musique, de trop nombreux blogueurs succombent à la facilité de vouloir faire plaisir à ceux qui leur font des cadeaux à longueur de journée. Et leurs supports deviennent des succédanés de chroniques, des communiqués de presses déguisés. On les accuse aussi d’être très jeunes, écervelés et sans éthique. Il faut aussi reconnaitre qu’il est parfois difficile de résister à toutes les courbettes qu’on nous fait.

Je n’ai pas ouvert un support pour recevoir gratuitement des disques ou des invitations aux concerts mais parce que j’aime la musique, que j’aime écrire et que je ne trouve plus vraiment de satisfaction dans la lecture des magazines spécialisés.

Je ne lis quasiment que des blogs dont les auteurs ont dépassé « le plus bel âge de la vie » depuis une décennie et j’ai pour éthique d’écrire sur ce qui me touche et m’efforce de donner une réponse à chaque sollicitation (qu’elle soit négative ou positive, courte ou longue, elle est toujours circonstanciée).

Si un disque ne me plait pas, qu’il m’ait été offert après une soirée au champagne ou un resto, que j’aie refait le monde toute la nuit avec l’attaché de presse, je n’ai de compte à rendre à personne (tant que c’est fait dans le respect du savoir-vivre).

Personne n’est d’accord avec moi sur l’intégralité de ce que j’écris, mais personne ne m’en tient rigueur. Je n’ai pas fait ça pour la gloire mais pour améliorer l’estime que j’ai de moi, pour me démontrer que j’étais capable de remplir un défi de défrichage et de soutien moral (de loin) d’artistes que je veux pas voir disparaitre.

L’année dernière j’ai publié une interview foutoir d’Aufgang, pauvre du point de vue musical mais riche humainement. Fascinée par ce groupe depuis des mois, j’ai eu le ventre retourné lorsque l’un deux a lâché que ce n’était qu’un projet qui n’aurait probablement aucune longévité. J’ai fait tout ce qui était en mon possible, à mon échelle minuscule, pour que cette phrase soit un mensonge.

Quelques mois plus tard, Aufgang n’était plus si inconnu que ça et j’ai reçu des félicitations auxquelles je ne m’attendais pas de la part du label. Ce n’était qu’une cerise sur le gâteau, pas mon objectif premier.

Plus récemment j’ai rencontré Bachar Mar Khalifé au détour d’une fête, il n’osait pas m’approcher. Les yeux étincelants, il a articulé un merci avec un sourire à faire fondre le Groenland. Il avait lu ma chronique de son disque.

Ces deux exemples m’accompagnent constamment dans toute décision que je prends. Ils ont plus de valeur que tout et me rappellent que je n’ai pas un blog pour rien, que ma passion et mon intégrité sont aussi intactes qu’au premier jour.

Et le jour où je perdrais mon honnêteté rédactionnelle pour un voyage de presse ou un verre de champagne comme beaucoup trop de journalistes et blogueurs s’y abaissent, alors j’aurai au moins le courage de tirer ma révérence (au lieu de continuer à polluer le devant de la scène et causer toujours plus de tort à ces professions).

Alors oui, souvent j’ai la sensation d’être un moulin à eau brassant de l’air, mais non, je ne crois pas que les blogueurs sont une menace mais bien un échelon supplémentaire d’une bonne stratégie musicale. Le regard des autres acteurs sur ce support a beaucoup évolué ces dernières années et l’on assiste à une construction d’un pôle web dédié aux blogueurs.

Reste que ce maillon ne doit pas être considéré comme une cible marketing supplémentaire mais plutôt comme des oreilles exigeantes à apprivoiser et considérer à leur juste valeur : humaine.

Illustration photo “We want more”

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About Violette ROLL

Sur son blog http://jamaisdaccord.com, Violette ne chronique que ce qui lui fait plaisir, sans contraintes. Du culturel de manière partiale et grinçante...

5 comments

Je découvre le billet illustré.
Cette analyse est complètement décousue et archi-incomplète mais je précise que c’est rédigé à une seule main, feu main droite ayant pris 3 mois de repos :).
Donc j’y reviendrai, je tenterai un épisode 2

J’ai les pieds des deux côtés : blogueur et community manager dans une maison de disque. Et je trouve bonne cette analyse ma chère Mauve.

C’est étonnant comme une attitude simplement normale est devenue un combat pas si évident que ça.

Beau billet, mais triste constat au fond, non ?
(ou: comment avons-nous pu accepter de passer d’une société de la promesse à une société de la menace ?)

Bonne année, et bonne continuation !

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